Le remake de films d’horreur – et de films tout court d’ailleurs – est un exercice difficile. On aime à dire que la plupart sont ratés et n’arrivent pas à la cheville de l’original (tel Les Griffes de la Nuit de Samuel Bayer en 2010), d’autres sont pourtant de belles réussites (Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel en 2003 ou encore Halloween de Rob Zombie en 2007) allant même plus loin que l’œuvre originelle.
En parlant de tronçonneuse, on va s’intéresser aujourd’hui à un remake très attendu, celui d’Evil Dead. Le film original (ou plutôt devrais-je dire les films originaux, car on y retrouvera des scènes du I et du II) a été réalisé par Sam Raimi en 1981 – et en 1987 pour le II. Le premier est connu pour avoir été une réussite malgré un budget très serré. De l’action, du frisson, du suspense, du sang, de la bagarre, de la peur : Evil Dead réunissait tout ce qu’il faut pour faire un bon film du genre et n’a laissé personne indifférent.
C’est d’ailleurs pour cette raison que son remake provoquait quelques réactions cyniques avant même sa sortie : comment ne pas entacher le mythe qu’est cette trilogie ? Parce que rater un remake, c’est une chose, mais rater le remake d’Evil Dead, ça aurait été catastrophique. Qu’on se assure, Sam Raimi n’était jamais très loin.
Fede Alvarez
Evil Dead, le remake, a été réalisé par l’uruguayen Fede Alvarez. Il est à la base réalisateur de courts-métrages, et a connu le succès en 2009 avec Panic Attack, un court-métrage donc, où la ville de Montevideo se fait attaquer par des robots géants. L’incrustation des effets spéciaux est assez bluffante, vous pouvez le visionner ici (5min environ – point bonus si vous reconnaissez de quel film est tirée la musique de fond).
Evil Dead est donc le premier long-métrage réalisé par Alvarez : une sacrée pression quand on sait que le film de Sam Raimi fait figure de légende chez les fans d’horreur. Mais c’est lui-même qui a proposé à Alvarez de réaliser le remake de son film culte. Et en tant que fan de la première heure, il n’a pas hésité longtemps.
Evil Dead a été produit en partie par Sam Raimi et par Bruce Campbell (qui campait Ashley « Ash », le héros du film) et son tournage a été suivi de près par Raimi et compagnie. Une bonne chose pour garder l’esprit du film. On y reconnaît d’ailleurs sa patte, comme un hommage rendu par Alvarez, sans pour autant l’imiter.
Le remake
Venons-en au fait : Evil Dead est une réussite. Même pour quelqu’un qui n’a pas vu les originaux, il s’agirait d’un très bon film d’horreur, comme on en n’a plus vu depuis longtemps. D’ailleurs on sent bien qu’il prend racine dans parmi les vieux de la vieille (les années 80), car l’action ne met pas longtemps à se mettre en place et à partir de là, c’est un vrai festival qui commence.
Le film a tout de même été modernisé, et heureusement, dans certains de ses aspects. On retrouve par exemple une intro tout à fait typique des films actuels qui nous rappelle bien que ce qu’on va visionner s’appelle « film d’horreur » et qu’il y aura des trucs pas cools qui vont arriver à des gens. Mais allez, on lui pardonne. Cette intro a lieu plusieurs mois ou plusieurs semaines avant l’action et nous introduit à une famille qui tente de purifier une jeune fille par le feu. Ensuite, direction Evil Dead, le vrai.
L’histoire grosso modo pour ceux qui ne s’en rappellent pas : 5 jeunes (hé oui) viennent séjourner dans une cabane dans les bois (hé oui) pour quelques jours. On y retrouve David, sa petite amie Natalie, sa soeur Mia, et deux de ses amis – Olivia et Eric. Ils ont pour but d’aider Mia à se sevrer car la petite s’avère accro à la drogue. Cela donnera d’ailleurs une bonne excuse à son comportement étrange au début du film – bien vu, Alvarez. Les cinq amis vont ensuite trouver à la cave quelques animaux morts dans une sorte de mise en scène vaudou ainsi qu’un livre bien fermé – le Livre des Morts. Malgré les contre-indications qui s’y trouvent (« Ne lis pas ça ; Ferme ce livre fils de pute » entre autres), Eric l’intello va déchiffrer et prononcer l’incantation qui va libérer les démons du tréfonds de la terre.
(Eric -Lou Taylor Pucci-, Olivia -Jessica Lucas-, David -Shiloh Fernandez-, Mia -Jane Levy-, et Natalie -Elizabeth Blackmore)
L’un des bons points du film pour moi, c’était de retrouver l’état d’esprit dans lequel les films « de jeunes » étaient tournés dans les 70’s-80’s : pas de grosse soirée qui tourne au drame, mais plutôt chaque personnage dans son coin – c’est une chose qui m’a toujours paru étrange cela dit, mais ça m’a fait plaisir de retrouver cette ambiance au cinéma – et surtout, surtout, pas d’intro qui dure 45 min. Non non, à partir du moment où l’incantation est prononcée, tout va partir en vrille pour ces pauvres âmes.
La présence de Sam Raimi
On retrouve beaucoup du Evil Dead de Sam Raimi dans ce remake, sans pour autant qu’il soit singé : la « chose » qui court dans les bois, des façons de filmer (angle étrange, caméra qui tourne), des clins d’œil sympa (le moment où Natalie coupe sa viande avec un couteau électrique est la reprise de la scène où Linda nous colle un smoothie rouge vif sous la rétine dans l’original, et ces deux scènes sont traitées de la même manière, soit une transition faussement gore), mais également dans les bruitages (le bruit de sirène qui accompagne les apparitions de la Natalie possédée, qui fiche vraiment la frousse). Comme j’ai eu la bonne idée de regarder Evil Dead I et II avant d’aller au cinéma, j’ai pu apprécier tous ces petits détails qui font le plaisir d’un bon remake.
Si le pitch reprend l’histoire du premier Evil Dead, les références au II sont nombreuses (la comptine, la tronçonneuse, je vous laisse voir le reste)…
Un petit bémol cela dit, car personne n’est parfait : il manque d’après moi un élément de ce qui a fait d’Evil Dead de Sam Raimi ce qu’il est, à savoir la folie douce qui s’empare de Ash lorsqu’il se retrouve seul – dans Evil Dead II surtout. Cette scène est tout simplement mythique à mes yeux, et même si elle est empreinte de second degré (qu’on ne retrouve pas dans le remake, sans que cela le desserve pour autant), je pense qu’elle aurait été adaptable. Mais il se trouve qu’on ressent un peu de cette folie lors d’un des premiers plans du film, où la caméra filme à l’envers. Du coup, je ne suis pas entièrement déçue sur ce point.
(Ash -Bruce Campbell- en plein délire dans Evil Dead II)
Mise à jour du mythe
Mais Evil Dead n’est pas un copier-coller du film de 81, loin de là. Déjà, avec l’absence de second degré (qui, il faut l’avouer, fait perdre toute crédibilité à un film d’horreur de nos jours – c’est donc une bonne chose), on a l’impression que le film prend en maturité. Ensuite, on voit clairement l’influence des films modernes sur l’œuvre d’Alvarez – et notamment de l’horreur japonaise, ce qui n’est pas pour nous déplaire : quoi de plus flippant que l’allure et les bruitages des fantômes/monstres japonais ? Rien.
Et puis autant vous le dire, le pitch change un peu. Et c’est pas plus mal comme ça – on se souvient de la non-fin d’Evil Dead I, reléguée au rang d’anecdote aujourd’hui (« Dans le Evil Dead original, il paraît que la fin était toute pourrie – Sérieux ? »). Dans ce remake, l’histoire se focalise un peu plus sur le personnage de la sœur (Mia/Cheryl) et un peu moins sur Ash/David, et la performance de Jane Levy s’en ressent, c’est une très bonne surprise.
Du fait-main
Enfin gros point fort mais alors gros gros point fort de ce film : les effets spéciaux. Parce qu’il n’y en a pas. Enfin, très peu. Le pourcentage de CGI (Computer-Generated Imagery, donc les effets spéciaux par ordinateur) est vraiment très faible. Pour la plupart des effets (et il y en a beaucoup), Fede Alvarez a fait appel à une équipe de maquilleurs et de prothésistes (ou que sais-je) à l’ancienne, papa. Au final, un rendu beaucoup plus sympa et, j’ose le dire, plus réaliste ! Car oui, la chair, les giclures de sang, les têtes de démons, tout ça est finalement beaucoup plus proche de la réalité avec un bras en latex, et un bon coup de pinceau.
Là-dessus, Alvarez rejoint Sam Raimi (j’ai vu de la polenta dans Evil Dead II) même s’il se permet quelques petits « plus » par ordinateur. Ce qu’il y a, c’est qu’il sait les doser. Et pourtant, rappelons qu’il a connu le succès grâce à ses effets spéciaux justement !
En conclusion donc, un remake réussi qui a rallié à son camp les amateurs de films d’horreur les plus exigeants et la preuve que du cinéma réalisé avec passion vaudra toujours le coup. C’était un rêve pour Alvarez que de reprendre Evil Dead, et il l’a fait comme il le souhaitait, en rendant un grand hommage à Sam Raimi (qui a fini par réaliser des films pour Disney, allez comprendre) et surtout, en prenant beaucoup de plaisir. Et nous aussi, du coup. Un film parti pour être mythique, tout comme son prédécesseur !
Direction la salle de ciné, vous me direz ce que vous en avez pensé !
Je suis triste, j’ai essayé de convaincre ma soeur de m’y accompagner, mais j’ai juste gagné le droit de voir Iron man 3 (yepi…). En tout cas, j’aime beaucoup ton blog, j’espère pouvoir venir te dire ce que j’ai pensé du film, mais je viendrai voir tes prochains articles c’est sûr!
Merci ça me fait vraiment plaisir !! J’ai hâte de savoir ce que tu en as pensé 🙂